17/06/2022
Auteurs romantiques
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Alfred de Vigny : SERVITUDE ET GRANDEUR MILITAIRES (1835)



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Thème
Vigny décrit la condition militaire avec une humanité profonde et une pitié fraternelle. Il s'élève avec fermeté contre la doctrine formulée par Joseph de Maistre, qui exaltait le guerrier comme l'instrument aveugle et prestigieux d'une mission divine. Il regarde la guerre comme un fléau et définit la grandeur par l'abnégation, c'est-à-dire par l'acceptation vaillante de la servitude. Dans les armées modernes, en effet, le troupier et même l'officier ne sont que des esclaves : ils doivent l'obéissance passive à une autorité factice qui les prend à ses gages. Mais ce renoncement à soi, souvent obtenu au prix des plus cruels sacrifices, permet à l'homme de sauvegarder sa dignité personnelle. Ainsi se définit une religion de l'honneur. Au sein d'un monde où semble régner la fatalité, cette mystique nouvelle rend à la vie un sens et atteste l'existence d'une liberté.

Détresse du Soldat : Servitude et Grandeur militaires.

Livre I : Laurette ou le Cachet rouge.

Vigny a rencontré au cours d'une campagne un vieux militaire qui lui conte une douloureuse histoire. Capitaine d'un brick sous le Directoire, il s'est pris d'une vive sympathie pour un jeune déporté et pour sa femme Laurette. En haute mer. il ouvre, conformément à la consigne reçue, une enveloppe scellée d'un immense cachet rouge : elle contient l'ordre de faire fusiller le jeune homme. Le cœur déchiré, il obéit, puis recueille Laurette.

Livre II : La Veillée de Vincennes.
Vigny, en garnison à Vincennes sous la Restauration, cause avec un vieil adjudant. Ce sous-officier se reproche de n'avoir pu examiner encore, pour l'inspection du lendemain, tous les obus de la poudrière dont il est responsable. A la nuit tombante, Vigny va visiter ce zélé serviteur, qui lui fait entendre un touchant concert de famille et lui conte les amours de sa jeunesse. Au petit matin, il est réveillé par l'explosion de la poudrière, provoquée par l'adjudant, qui a voulu vérifier ses derniers obus.

Livre III : La Canne de jonc ou la Vie et la Mort du capitaine Renaud
Le capitaine Renaud, un officier plein de distinction, a toujours accompli noblement son devoir, sans obtenir jamais la récompense de son exceptionnel mérite. Tout jeune, il fut attaché à la personne de Bonaparte et semblait promis à un brillant avenir ; mais, prisonnier sur parole de l'amiral Colingwood, il se souvint de l'exemple autrefois donné par son père et repoussa la tentation de s'évader, sacrifiant ainsi l'intérêt de sa carrière à son honneur de soldat. Une fois libéré, il accomplit sur tous les champs de bataille des missions héroïques, mais obscures. Il garde un souvenir particulièrement cruel de l'assaut livré près de Reims, en 1814, à un corps de garde russe, car il tua dans cette opération un enfant de quatorze ans. Pendant les journées révolutionnaires de 1830, il lutte dans la rue pour la sauvegarde de l'ordre public : Un autre enfant le frappe, qui ressemble à son innocente victime ; et il meurt dans une chambre d'hôpital, désenchanté, mais la conscience en paix.

Extraits
Laurette ou le cachet rouge Livre I, chap. IV

La grande route d'Artois et de Flandre est longue et triste. Elle s'étend en ligne droite, sans arbres, sans fossés, dans des campagnes unies et pleines d'une boue jaune en tout temps. Au mois de mars 1815, je passai sur cette route et je fis une rencontre que je n'ai point oublié depuis.
J'étais seul, j'étais à cheval, j'avais un bon manteau blanc, un habit rouge, un casque noir, des pistolets et un grand sabre ; il pleuvait à verse depuis quatre jours et quatre nuits de marche, et je me souviens que je chantais Joconde à pleine voix. J'étais si jeune ! La maison du Roi, en 1814, avait été remplie d'enfants et de vieillards ; l'Empire semblait avoir pris et tué les hommes.
Mes camarades étaient en avant, sur la route, à la suite du roi Louis XVIII ; je voyais leurs manteaux blancs et leurs habits rouges, tout à l'horizon au nord ; les lanciers de Bonaparte, qui surveillaient et suivaient notre retraite pas à pas, montraient de temps en temps la flamme tricolore de leurs lances à l'autre horizon. Un fer perdu avait retardé mon cheval : il était jeune et fort, je le pressai pour rejoindre mon escadron ; il partit au grand trot. Je mis la main à ma ceinture, elle était assez garnie d'or ; j'entendis résonner le fourreau de fer de mon sabre sur l'étrier, et je me sentis très fier et parfaitement heureux.

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