Première
partie : Dogmes et doctrines
Chateaubriand évoque la beauté et
la noblesse morale dit Christianisme dans ses mystères (Trinité, Rédemption,
Incarnation), dans ses sacrements (du Baptême à l'Extrême- Onction), dans
ses vertus (Foi, Espérance et Charité) et même, en dépit des objections
scientifiques, dans la vérité des Écritures (chute originelle, Déluge).
LIVRE V Existence de Dieu prouvée par les merveilles de la nature (extraits)
La volonté organisatrice de DIEU se manifeste dans le spectacle de
l'univers, l'instinct des animaux, le chant des oiseaux, la perfection
de leurs nids, leurs migrations. N'est-il pas puéril de vouloir démontrer
à tout prix la Providence, à la manière de BERNARDIN DE SAINT-PIERRE ?
n'y a-t-il pas quelque danger à trop assimiler le christianisme à la religion
naturelle? Peu importe à CHATEAUBRIAND qui, fort de ses souvenirs de voyageur
et de son talent de peintre, préfère aux arguments théologiques « les
raisons poétiques et les raisons de sentiment ». Sous sa plume, le chant
des oiseaux devient un hymne à l'Éternel et un enchantement « commandé
pour notre oreille » par la Providence. C'est bien « l'Enchanteur » qui
apparaît ici.
Chapitre V : Chant des oiseaux (extraits)
La nature a ses temps
de solennité, pour lesquels elle convoque des musiciens de différentes
régions du globe. On voit accourir de savants artistes avec des sonates
merveilleuses, de vagabonds troubadours qui ne savent chanter que des
ballades à refrain, des pèlerins qui répètent mille fois les couplets
de leurs longs cantiques. Le loriot siffle, l'hirondelle gazouille, le
ramier gémit : le premier, perché sur la plus haute branche d'un ormeau,
défie notre merle, qui ne le cède en rien à cet étranger ; la seconde,
sous un toit hospitalier, fait entendre son ramage confus ainsi qu'au
temps d'Évandre ; le troisième, caché dans le feuillage d'un chêne, prolonge
ses roucoulements, semblables aux sons onduleux d'un cor dans les bois
; enfin le rouge-gorge répète sa petite chanson sur la porte de la grange
où il a placé son gros nid de mousse. Mais le rossignol dédaigne de perdre
sa voix au milieu de cette symphonie : il attend l'heure du recueillement
et du repos, et se charge de cette partie de la fête qui se doit célébrer
dans les ombres. Lorsque les premiers silences de la nuit et les derniers
murmures du jour luttent sur les coteaux, au bord des fleuves, dans les
bois et dans les vallées ; lorsque les forêts se taisent par degrés, que
pas une feuille, pas une mousse ne soupire, que la lune est dans le ciel,
que l'oreille de l'homme est attentive, le premier chantre de la création
entonne ses hymnes à l'Éternel. D'abord il frappe l'écho des brillants
éclats du plaisir : le désordre est dans ses chants ; il saute du grave
à l'aigu, du doux au fort ; il fait des pauses ; il est lent, il est vif
c'est un cur que la joie enivre, un cur qui palpite sous le
poids de l'amour. Mais tout à coup la voix tombe, l'oiseau se tait. Il
recommence ! Que ses accents sont changés ! quelle tendre mélodie. Tantôt
ce sont des modulations languissantes, quoique variées ; tantôt c'est
un air un peu monotone, comme celui de ces vieilles romances françaises,
chefs-d'uvre de simplicité et de mélancolie. Le chant est aussi
souvent la marque de la tristesse que de la joie : l'oiseau qui a perdu
ses petits chante encore ;
c'est encore l'air du temps du bonheur qu'il
redit, car il n'en sait qu'un ; mais, par un coup de son art, le musicien
n'a fait que changer la clef, et la cantate du plaisir est devenue la
complainte de la douleur.
|