13/06/2022
Auteurs romantiques
, Chateaubriand

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CHATEAUBRIAND : La vie de Rancé (1844)




Thème

Armand-Jean de Bouthillier de Rancé, issu de la noblesse mène une vie mondaine. A 37 ans, bouleversé par la mort d'une femme aimée, il se retire comme prêtre en Normandie à La Trappe. Travail d’historien, nourri de lectures, cette biographie est aussi l’occasion de compléter les Mémoires d’outre-tombe par des digressions où apparaissent des noms et des destinées bien postérieurs à Rancé (Voltaire, Napoléon, George Sand…) et des réflexions personnelles qui constituent les dernières méditations écrites de Chateaubriand. La vie de Rancé, dernier écrit de Chateaubriand est ainsi une confession voilée, désenchentée et comme involontaire : "Aujourd'hui il n'y a plus rien de possible, car les chimères d'une existence active sont aussi démontrées que les chimères d'une existence désoccupée...

Pour peu qu'on ait vécu, on a vu passer bien des morts emportant leurs illusions. Heureux celui dont la vie est tombée en fleurs !"

Résumé
L'ouvrage lui a été demandé avec insistance par l'abbé Séguin, son confesseur. Il retrace en quatre livres la jeunesse mondaine, la maturité austère et la vieillesse d'un religieux du XVIIIème siècle qui bouleversé par la mort d'une femme aimée s'est converti à 37 ans puis retiré à La Trappe, et qui par son apostolat, sut restaurer dans son monastère la plus stricte observance de la règle. Chateaubriand retrouve, à chaque étape de cette existence, une image de sa propre vie : mêmes rêves d'aventures, même expérience de la douleur, mêmes remords, même désir de conversion. La pensée de la mort hante l'ouvrage comme elle hante Chateaubriand vieillissant. Trop peu minutieux sur le plan historique, il parlait autant de l'auteur que de Rancé. Égrenant les confidences et les souvenirs, ressuscitant trop bien les prestiges et l'esprit du Grand Siècle, l'ouvrage est effectivement plus d'un conteur que d'un pénitent, et c'est là son charme. Mais on a tort de le croire d'un vieillard épuisé qui jette en désordre ses dernières pensées. Fidèle à sa méthode consistant à regarder le passé pour comprendre le présent et y lire l'avenir, Chateaubriand tente une ultime confrontation de son temps avec le XVème siècle. Le parallèle entre Louis XIV et Napoléon s'affine, les comparaisons abondent, les jugements se font plus tranchés que jamais. Le portrait du Cardinal de Retz, « vieil acrobate mitré, prétendu homme d'État [qui] ne fut qu'un homme de trouble », est un prétexte pour satisfaire une vieille rancoeur contre Talleyrand. Le monde moderne n'est pas toujours inférieur au siècle de Louis XIV « nous n'allons pas à la cheville de ces gens-là», néanmoins Madame Sand l'emporte sur Mademoiselle de Scudéry ; mais hélas, « [elle] fait descendre sur l'abîme son talent », et « l'insulte à la rectitude de la vie ne saurait aller plus loin ». La nostalgie du temps passé, si elle existe ici, puise dans le dégoût du monde moderne. Des images étonnantes surgissent, et créent un univers fantastique : les surréalistes se l'approprieront. « La vieillesse est une voyageuse de nuit : la terre lui est cachée ; elle ne découvre plus que le ciel. ». La Révolution est une « piscine de sang où se lavèrent les immoralités qui avaient souillé la France ». Par-delà son époque, c'est encore la vie que contemple et juge le vieil écrivain. Des leitmotive des Mémoires sont repris : l'amertume de survivre, la fausseté de l'amour, la vanité du bonheur -ce qui n'empêche pas le souvenir nostalgique des jours heureux et des femmes aimées de passer parfois dans ces pages.

Livre troisième extrait
Ici commence la nouvelle vie de Rancé : nous entrons dans la région du profond silence. Rancé rompt avec sa jeunesse, il la chasse et ne la revoit plus. Nous l'avons rencontré dans ses égarements, nous allons le retrouver dans ses austérités. La pénitence était son arrière-garde ; il se mettait à sa tête, se retournait, et donnait avec elle sur le monde. Il paraissait dans son extérieur, disent les historiens, une majesté qui ne prévoit venir que du Dieu de majesté. Ceux à qui leur conscience remâcha quelque chose ne l'osaient venir rechercher, persuadés qu'il connaissait divinement ce qu'ils avaient de plus caché. " Qui me donnera, s'écriait-il, les ailes de la colombe pour fuir la société des hommes ! " Dans mes temps de poésie, j'ai mis moi-même ces paroles de l'Ecriture dans un chant de femme[Cymodocée. (N.d.A.)] . L'hymne de Rancé se termine par ces mots : " Les créatures me suivent partout ; elles m'importunent ; par mes yeux elles entrent dans mon esprit, et portent avec elles l'inquiétude. Fermons les yeux, ô mon âme ! tenons nous si éloignés de toutes ces choses que nous ne puissions les voir et en être vus.



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